lundi, 08 décembre 2008
Grandiose...
Ouf! Tout à l'heure j'ai entendu à la radio James Hyndman, comédien génial (qui a joué dans Le coeur a ses raisons, pour un repère qui dira peut-être quelque chose du coté européen) (ce type a vraiment une voix suberbe, du coup il fait plein de voix off dans des pubs!) (à coté de qui j'étais assise pour voir Babel au festival du Nouveau Cinéma il y a 2-3 ans, le pauvre il est très grand, du genre BFC a l'air d'un galopin à coté, et il avait les genoux sous le menton, puis plus récemment il était juste derrière moi au festival du Nouveau Cinéma de cette année, pour voir "Entre les murs", et je l'ai aussi croisé au moins une fois dans la rue, au coin St-Denis et MontRoyal, bref lui et moi c'est une grande histoire) (son seul défaut c'est qu'il est né à Bonn!), lire un poème d'un de mes héros, Boris Vian, mais ça vous le savez déjà, "Je voudrais pas crever", et c'était grandiose, il n'y a pas d'autre mot possible!!! Dans un crescendo fort, contrôlé, bref je suis sans mot (en plus d'être sans voix!), tant pour l'oeuvre que pour l'interprètation... Ça m'en a même coupé le souffle!
Déjà le texte tout seul est fort, très fort, surtout quand on sait que Boris Vian avait la certitude de mourir avant 40 ans et qu'il est finalement mort à 39 ans!
Je voudrais pas crever
 Avant d'avoir connu
 Les chiens noirs du Mexique
 Qui dorment sans rêver
 Les singes à cul nu
 Dévoreurs de tropiques
 Les araignées d'argent
 Au nid truffé de bulles
 Je voudrais pas crever
 Sans savoir si la lune
 Sous son faux air de thune
 A un coté pointu
 Si le soleil est froid
 Si les quatre saisons
 Ne sont vraiment que quatre
 Sans avoir essayé
 De porter une robe
 Sur les grands boulevards
 Sans avoir regardé
 Dans un regard d'égout
 Sans avoir mis mon zobe
 Dans des coinstots bizarres
 Je voudrais pas finir
 Sans connaître la lèpre
 Ou les sept maladies
 Qu'on attrape là-bas
 Le bon ni le mauvais
 Ne me feraient de peine
 Si si si je savais
 Que j'en aurai l'étrenne
 Et il y a z aussi
 Tout ce que je connais
 Tout ce que j'apprécie
 Que je sais qui me plaît
 Le fond vert de la mer
 Où valsent les brins d'algues
 Sur le sable ondulé
 L'herbe grillée de juin
 La terre qui craquelle
 L'odeur des conifères
 Et les baisers de celle
 Que ceci que cela
 La belle que voilà
 Mon Ourson, l'Ursula
 Je voudrais pas crever
 Avant d'avoir usé
 Sa bouche avec ma bouche
 Son corps avec mes mains
 Le reste avec mes yeux
 J'en dis pas plus faut bien
 Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
 Sans qu'on ait inventé
 Les roses éternelles
 La journée de deux heures
 La mer à la montagne
 La montagne à la mer
 La fin de la douleur
 Les journaux en couleur
 Tous les enfants contents
 Et tant de trucs encore
 Qui dorment dans les crânes
 Des géniaux ingénieurs !!! C'est possible ça??? Je demande à voir ;-)
 Des jardiniers joviaux
 Des soucieux socialistes C'est le cas de le dire pour la prestation des Têtes Raides au concert de soutien à Ségolène! À voir plus bas...
 Des urbains urbanistes
 Et des pensifs penseurs
 Tant de choses à voir
 A voir et à z-entendre
 Tant de temps à attendre
 A chercher dans le noir
 Et moi je vois la fin
 Qui grouille et qui s'amène
 Avec sa gueule moche
 Et qui m'ouvre ses bras
 De grenouille bancroche
 Je voudrais pas crever
 Non monsieur non madame
 Avant d'avoir tâté
 Le goût qui me tourmente
 Le goût qu'est le plus fort
 Je voudrais pas crever
 Avant d'avoir goûté
 La saveur de la mort...
Bon j'ai cherché les Têtes Radides sur ce texte et tout ce que j'ai trouvé c'est ceci, contexte un peu particulier, mais je trouve que cette chanson transcende les tirailleries politicardes, non?
Ça commence avec la chanson à environ 2'55''.
Après ils ont passé "Quand j'aurai du vent dans la tête" chanté par Serge Reggiani (avec les 4 premières lignes du Pater Noster de Jacques Prévert!!! Ça aussi c'est assez fort...) mais j'ai trouvé nul part en écoute, pas faute d'avoir cherché (je n'ai que ça à faire en plus)... Alors faites comme moi, achetez la chanson en ligne et régalez vous! Par contre on voit encore que ce pauvre Boris a cruellement conscience du temps qui passe...
Je dédicace le tout à BFC, qui a si peur de vieillir, heureusement qu'il ne comprend pas bien le français (parce que là même moi il y a des mots que je pige pas...), je suis pas sûre qu'il apprécierait ma touchante attention ;-)
Quand j'aurai du vent dans mon crâne
 Quand j'aurai du vert sur mes osses
 P'tet qu'on croira que je ricane
 Mais ça sera une impression fosse
 Car il me manquera
 Mon élément plastique
 Plastique tique tique
 Qu'auront bouffé les rats
 Ma paire de bidules
 Mes mollets mes rotules
 Mes cuisses et mon cule
 Sur quoi je m'asseyois
 Mes cheveux mes fistules
 Mes jolis yeux cérules
 Mes couvre-mandibules
 Dont je vous pourléchois Vu comme ça, bon appétit!
 Mon nez considérable
 Mon coeur mon foie mon râble
 Tous ces riens admirables
 Qui m'ont fait apprécier
 Des ducs et des duchesses
 Des papes des papesses
 Des abbés des ânesses
 Et des gens du métier
 Et puis je n'aurai plus
 Ce phosphore un peu mou
 Cerveau qui me servit
 A me prévoir sans vie
 Les osses tout verts, le crâne venteux
 Ah comme j'ai mal de devenir vieux.
Ah et puis je vous colle aussi Pater Noster de Jacques Prévert, on fait dans la poésie ce soir!
Notre Père qui êtes au cieux
 Restez-y
 Et nous nous resterons sur la terre
 Qui est quelquefois si jolie
 Avec ses mystères de New York
 Et puis ses mystères de Paris
 Qui valent bien celui de la Trinité
 Avec son petit canal de l’Ourcq (là où habite mon cousin favori!)
 Sa grande muraille de Chine
 Sa rivière de Morlaix
 Ses bêtises de Cambrai
 Avec son océan Pacifique
 Et ses deux bassins aux Tuileries
 Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
 Avec toutes les merveilles du monde
 Qui sont là
 Simplement sur la terre
 Offertes à tout le monde
 Éparpillées
 Émerveillées elles-mêmes d’être de telles merveilles
 Et qui n’osent se l’avouer
 Comme une jolie fille nue qui n’ose se montrer
 Avec les épouvantables malheurs du monde
 Qui sont légion
 Avec leurs légionnaires
 Avec leurs tortionnaires
 Avec les maîtres de ce monde
 
 Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs
 reîtres
 Avec les saisons
 Avec les années
 Avec les jolies filles et avec les vieux cons
 Avec la paille de la misère pourrissant dans l’acier des
 canons.
 
 Jacques Prévert, Paroles (1945)
C'est beau tout ça, non???
 
 





 
 
